Entretien avec Stéphanie Perruchoud

Entretien avec la présidente du Conseil d’éthique, Stéphanie Perruchoud

Passionnée par la philosophie qu’elle découvre au Collège de Saint-Maurice, Stéphanie Perruchoud se lance dans des études de philosophie et d’éthique qui l’amèneront dans un premier temps à Paris, puis suivra une thèse doctorale à Barcelone et à Fribourg. Dès le début de son parcours académique, elle s’intéresse aux questions liées à la fin de vie. Elle consacre une grande partie de sa thèse à l’étude du corps vulnérable d’un point de vue phénoménologique, soit à partir de l’expérience vécue. Son doctorat en poche, elle dépose plusieurs projets de recherches autour de la vulnérabilité qui obtiendront la prestigieuse bourse Marie-Curie, ainsi que le soutien de la Fondation Leenaards et du Fond National Suisse. Pour mener à bien ces travaux, Stéphanie Perruchoud collabore étroitement avec deux professeurs spécialisés, respectivement, dans le domaine de la gériatrie à l’institut des humanités en médecine au CHUV, et dans l’éthique du « care » à l’Université de Lausanne. Depuis le mois de septembre 2021, elle est la nouvelle présidente du Conseil d’éthique de l’AVALEMS.

 

Comment définiriez-vous l’éthique ?

L’éthique se définit comme étant une réflexion sur les actions humaines qui ont un rapport avec la morale, ou, sur l’ensemble des valeurs morales en jeu dans une collectivité. Elle a la fonction d’analyser quelles sont ces valeurs et leurs interactions, avec comme ultime finalité, la recherche du « bien vivre ensemble ». En d’autres termes, lorsqu’un conseil considère une situation sous un angle éthique, il délibère sur les solutions qui permettraient à chaque acteur de vivre les circonstances de la meilleure manière possible, individuellement et collectivement.

 

Vos recherches s’intéressent au « corps vulnérable », comment définiriez-vous cet axe de réflexion ?

La vulnérabilité du corps est un trait universel. Nous avons tous un corps qui, souvent, nous permet d’accomplir des choses ; grâce à lui nous pouvons : travailler, voyager, faire du sport, et nous adonner à de nombreuses activités. Cependant, du fait que notre corps est sensible et naturel, nous sommes également exposés à la possibilité d’être blessés, limités, d’avoir un handicap, de contracter une maladie et de vieillir.

 

Quel est le lien entre la vulnérabilité, la personne âgée et sa prise en charge ?

Chacun d’entre nous peut devenir plus vulnérable à un moment donné et en présence de certains facteurs tels que l’âge, une prédisposition de notre système immunitaire, etc. Au cours de la crise sanitaire, les médias ont beaucoup traité la question de la vulnérabilité des personnes âgées face au virus, mais il y a aussi tout l’entourage de ces personnes qui peut être fragilisé : les proches, le personnel soignant et tout employé d’un EMS, sans oublier les cadres et les directeurs de ces établissements. Depuis le début de la crise sanitaire, toutes ces personnes ont dû faire face à une situation extrêmement compliquée sur la durée. La question de la vulnérabilité dépasse donc le cadre purement physiologique ou corporel.

 


 

Quels sont les enjeux éthiques de la prise en charge aujourd’hui et demain?

Avec la hausse de l’espérance de vie en Suisse, nous sommes de plus en plus confrontés à des situations de vulnérabilités complexes desquelles émergent une multitude de questions quant à la prise en charge des personnes concernées. D’autre part, les avancées techniques et technologiques soulèvent des questions anthropologiques et éthiques qu’il faut prendre le temps d’analyser afin que chaque personne sache pourquoi elle est là et vers quoi elle se dirige. Dans cette perspective, l’éthique donne des clefs et un cadre pour la mise en place d’accompagnements qui prennent en compte et garantissent la dignité de toutes les personnes : les patients et leur entourage (proches et professionnels inclus). Dans le domaine de la santé, la réflexion éthique sert à donner des pistes, des valeurs et principes à considérer, et ce, pour que l’accessibilité aux soins soit le plus juste et le plus égalitaire possible.

 

Qu’est-ce que le Conseil d’éthique ?

Le Conseil d’éthique est né d’une préoccupation commune : celle de faire valoir et de veiller à l’éthique au sein des institutions médico-sociales valaisannes. L’AVALEMS, dans un souci de promouvoir une politique et une éthique en faveur des personnes âgées (Statuts : 3, c), a souhaité se doter d’un Conseil d’éthique. Composé de membres provenant de disciplines à la fois différentes et complémentaires telles que l’éthique, le droit, la médecine, la psychiatrie, les soins infirmiers ou encore la théologie, le Conseil d’éthique se veut un espace de réflexion, de dialogue et d’échanges autour de toutes les questions touchant à l’éthique de la personne, âgée, soignante, accompagnante, etc. Formellement, il s’agit d’un organe, indépendant, à la fois consultatif, formatif et réflexif au service de toutes les questions touchant à la vie et à la dignité de la personne âgée en EMS. Son indépendance lui permet d‘assurer sa neutralité par rapport aux situations qui lui sont amenées. Par ailleurs, le Conseil d’éthique n’a pas de rôle exécutif ; son rôle est d’apporter un espace de réflexion interdisciplinaire tout en garantissant l’anonymat des parties. La plupart des institutions actives dans le domaine de la santé ont une commission d’éthique car lorsque l’on aborde des thématiques en lien avec la santé des personnes, on soulève, a fortiori, des questions ayant trait à l’éthique.

 

Par quel chemin êtes-vous arrivée au Conseil d’éthique de l’AVALEMS?

Après un premier contact avec l’AVALEMS en 2019 où j’avais proposé mes compétences en qualité de philosophe-éthicienne, un deuxième contact, cette fois plus déterminant, a été établi en 2021. Je venais alors d’obtenir des fonds pour quelques grands projets dans le domaine de l’éthique de la personne âgée et je souhaitais vivement créer des liens entre ma recherche et le monde pratique des institutions de soins de longue durée. Dans ce contexte, le Conseil d’éthique m’est apparu comme un lieu privilégié pour comprendre, de l’intérieur, les enjeux éthiques et anthropologiques concernant la prise en charge, la qualité de vie et le bien-être des personnes âgées résidant en EMS. Du reste, il a toujours été essentiel pour moi de collaborer avec la réalité du terrain. J’étais, et je le reste d’ailleurs, persuadée de pouvoir enrichir la réflexion et les débats éthiques sur toutes ces questions grâce aux compétences acquises au cours de mes années d’études, notamment autour de la question de la vulnérabilité. C’est donc avec un sentiment de responsabilité et de grand intérêt à la fois personnel et académique que j’ai accepté de prendre la présidence du Conseil d’éthique. 

 


 

Qui sont les membres du Conseil d’éthique?

Il est composé de sept personnes provenant de disciplines complémentaires qui peuvent, chacune, apporter un éclairage informé sur des situations en relation avec la prise en charge de la personne âgée. Le Conseil est composé de : deux médecins-gériatres, une infirmière, un professeur en soins infirmiers spécialisé dans la psychiatrie de la personne âgée, un ancien directeur d’EMS actif dans le domaine spirituel, un juriste et moi-même. Nous avons choisi les membres du Conseil en considérant leurs formations et leurs parcours professionnels. L’objectif était d’obtenir une représentativité qui soit la plus complète et globale possible. Ainsi, chacun des membres a la possibilité de mettre ses compétences spécifiques au service d’une compréhension intégrale de qualité.

 

Quelles sont les fonctions du Conseil d’éthique ?

Sa tâche première est de donner un avis consultatif sur une situation ou un problème qui lui est amené et dont les enjeux sont éthiques. Dans ce cadre, et selon l’urgence de la situation, les membres se réunissent pour délibérer. L’anonymat est garanti en toutes circonstances, mais la personne doit évidemment nous transmettre ses coordonnées pour que nous puissions lui répondre. Au terme d’un processus de délibération, le Conseil communique à la personne qui l’a sollicité la réponse qui lui semble la plus adéquate. Le Conseil d’éthique peut être également actif à d’autres niveaux. Par exemple, une institution peut le contacter pour qu’il intervienne sur un thème en rapport avec l’éthique. À la demande, il peut aussi rendre des avis publics sur thématiques aux enjeux éthiques, liées l’exploitation d’un EMS. 

 

Quel est votre rôle au sein du Conseil d’éthique ?

Au-delà de l’administration et la coordination des activités du Conseil, mon rôle en tant que philosophe-éthicienne est de rappeler notre posture au début de chaque session consultative. Je suis responsable d’orienter la mise en discussion des membres en posant le cadre réflexif dans lequel vont se dérouler les sessions. Concrètement, cela implique de questionner plusieurs aspects de la situation présentée : les circonstances objectives du problème, les valeurs des différents acteurs, etc. Ces questions sont déterminantes pour aider les membres du Conseil à délibérer, et, à terme, mettre en perspective des réponses adéquates. En tant que présidente, j’ai également la responsabilité d’assurer le lien entre le Conseil d’éthique et les membres affiliés de l’AVALEMS, ainsi que les échanges en notre Conseil et d’autres commissions d’éthique liées à d’autres institutions. Je participe notamment aux rencontres de ces différents acteurs et j’informe sur les perspectives présentes et futures de notre Conseil d’éthique.

 

Quelles sont les priorités du Conseil d’éthique ?

Le Conseil d’éthique étant encore relativement jeune, nous sommes dans une phase d’élaboration de sa structure et de son fonctionnement. Il s’agit de consolider les fondements intellectuels et pratiques de notre organe, afin d’être rapidement opérationnel. Ensuite, pour ce qui est de son activité consultative, le Conseil d’éthique souhaite devenir progressivement une référence pour toutes les questions éthiques des EMS membres de l’AVALEMS. À travers nos travaux, il s’agira de développer des valeurs d’accompagnement dont les établissements pourront s’inspirer s’ils le souhaitent. Enfin, à moyen terme, on pourrait imaginer que le Conseil d’éthique dépasse le cadre des EMS et devienne une référence en Valais, pour des considérations générales liées à l’accompagnement de la personne âgée.

 

Qui peut s’adresser au Conseil d’éthique?

Toute personne liée à la l’activité d’un EMS (animateur, soignant, cadre, directeur, proche-aidant, bénévole, familles etc.) peut s’adresser au Conseil d’éthique s’il se trouve dans une situation difficile et dont les enjeux semblent être éthiques.

 

Comment peut-on contacter le Conseil d’éthique ?

Toutes nos coordonnées de contact figurent sur le site du Conseil d’éthique au lien suivant : https://www.conseil-dethique.ch/fr/contact.


 


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